Jacques de Giafferri en maître des lieux   15/06/2012
 
Qui fréquente Josquin ? Des gens du « plateau » ?
« Ah non, non, non ! C'est faux ! C'est le Grand Poitiers, et jusqu'à Châtellerault. Il y a des médecins, des employés de bureau, des chefs d'entreprise… On a aussi quelques paysans. Finalement c'est un ensemble représentatif de notre population. »
Comment est née cette grande famille ?
« Au départ, c'est un tout petit groupe de filles qui voulaient chanter du classique qui avait été rassemblé par mon épouse, Claude, à l'époque ma fiancée. Elle m'a très vite demandé, conformément à mes compétences, de venir un peu les diriger. Ce petit groupe du secteur de Saint-Hilaire a très vite pris forme, grâce à mes qualités -je suis modeste (rires)- d'organisateur, et surtout institutionnaliste. On lui a donné le nom de Josquin-des-Prés. Une des premières œuvres que je leur ai apprise et qu'elles ont beaucoup aimée était de Josquin. »
Laquelle ?
« Ave caelorum domina. C'est la raison pour laquelle, le 23 juin, nous commençons notre Promenade musicale à 15 h à Saint-Hilaire, avec un groupe de jeunes filles -actuelles (rires)- avec lequel nous redonnons la même œuvre. »
Pourquoi uniquement des filles ?
« Que des filles ! C'est vers 1968, 69, qu'on a fait appel à des garçons pour créer un chœur mixte, puis avec quelques instruments. On peut dire que la formation telle qu'on la connaît actuellement date de 1972. Immédiatement, j'ai voulu donner des impulsions au groupe avec des tournées à l'étranger. Dès 1964, l'Italie. Puis le Portugal, la Suisse, l'Angleterre, la Suède… Une époque où le chœur était jeune et mobile, sans contraintes familiales. »
Il faudrait un chœur prêt à voyager et un autre…
« Voilà  ! Mais d'un autre côté, si on veut une ambiance sympathique, il faut le mélange des deux. C'est le mot d'ordre. J'y tiens beaucoup. »
Derrière les règles strictes, il y a un monde sympathique…
« Oui. Tout ça, c'est grâce à notre maison de famille (voir le journal du 30 mai, NDLR). Parce que les gens s'y retrouvent de façon permanente. »
Le jour où vous allez disparaître, pensez-vous que cela pourra continuer ?
« C'est mon gros souci. Avec mon épouse, on se dit que pour l'instant on est à peu près en pleine forme, mais que notre devoir est de mettre en place quelques personnes. Il y en a, dans le conseil d'administration, qui sont très motivées, prêtes à assumer la suite. »
Mais fédérer autant de monde, c'est dur. Il n'y a pas un risque de clash, de jalousie ?
« Je n'en suis pas au point de désigner un successeur (rires). Je ne suis pas prêt pour la retraite, malgré mes 75 ans. Mais je souhaite que Josquin poursuive avec un nouveau leader, parce que ça vaut le coup. C'est une expérience formidable. »
De quoi êtes-vous le plus fier ?
« D'avoir mené à un niveau qualitatif très haut un groupe que nous aimons beaucoup. Ça aurait pu rester au niveau patronage. Mais pas du tout. Il n'est pas d'un niveau professionnel, mais d'un bon niveau. Et grâce à la venue de Jean-Claude Pennetier en mars dernier, l'orchestre est monté d'un cran au-dessus, lequel a automatiquement monté le chœur. »
Vous voulez donc dire qu'en juin, ce sera le meilleur chœur qu'on n'aura jamais entendu ?
« C'est sûr ! Sûr ! »
David se charge de classer les archives, et notamment de la partithèque, qui comprend les 500 partitions interprétées par Josquin depuis 50 ans.
Sous les combles, le stock d'affiches (qui va faire l'objet d'un portefolio), de disques (Josquin a enregistré une vingtaine d'œuvres) et de photos, attend encore d'être classé.
De la partithèque à la scène   23/07/2012
 
Pour qu'un chœur et un orchestre montent sur scène, tout un matériel musical est indispensable, parmi lequel des partitions. En 50 ans, l'Ensemble Josquin-des-Prés en a accumulé des milliers qu'enfin l'association vient de répertorier et classer dans une partithèque : « Un barbarisme ! Ce mot n'existe pas dans le dictionnaire », s'amuse le fondateur de Josquin-des-Prés, Jacques de Giafferi.
David Albert-Brunet, choriste au sein de Josquin, archiviste de formation, actuellement en recherche de travail, a pris le temps de fouiller les cartons du grenier de la Maison de Josquin et de classer ces précieux documents. Quelque 500 heures pour lequel il a été épaulé par Brigitte Gandon, Thérèse Ménard et Adeline Olivier.
Le trésor de Josquin
Dans une grande bibliothèque de merisier pourpre, créé pour l'occasion par un menuisier, ces partitions – dont une partie dans différentes langues étrangères – sont classées pour « chœur a cappella » ou pour « chœur et orchestre » ou encore pour « chœur et piano ou orgue ». On trouve les compositeurs par ordre alphabétique ou par genre. « Nous avons, par exemple, une quantité astronomique de chants de Noël populaires, profanes ou sacrés, ainsi que des opéras et opérettes dont certains livrets, plus édités, récupérés de justesse avant de passer à la benne ! »
Gros dossier également avec les chants liturgiques, « parce que Josquin chante souvent pour les mariages et les obsèques ! ». Petite curiosité chère à Josquin : « La partition de la musique chantée pour la messe de mariage de Thierry Vallet, le chef d'orchestre de l'association… qu'il a composé lui-même ! » On trouve aussi des chants de Guy Casteuble créés pour l'Ensemble poitevin à l'occasion du voyage en Suède en 1975. Des originaux également reproduits sur microfilms.
Mais la plus grande fierté de l'association réside dans le « trésor » offert par des donateurs. Comme Marie-Thérèse et Bernard Gordon-Martins qui ont fait profiter l'association d'un héritage familial, comme l'intégralité des partitions de Beethoven éditées de son vivant ! Elles côtoient des partitions signées de leurs compositeurs, ou encore le manuscrit d'un kyrie de Roppartz, de 1948, dédicacé au général Delmotte, de Chauvigny… « Ce matériel conséquent pour les orchestres et chœurs pourra être prêté à d'autres ensembles, contre une participation pour l'association. »
Josquin : l'esprit de famille  15/06/2012
 
Dire que l'Ensemble Josquin-des-Prés est une grande famille, n'est pas exagéré. Le paternel, Jacques de Giafferri – qu'on a plutôt envie d'appeler « patriarche » – mène « à la baguette » la maisonnée. Au sens propre comme au sens littéral, puisque – et la chose est rarissime –, la troupe possède sa propre maison. « J'ai une marotte, admet-il volontiers, institutionnaliser toute chose. Quand on organise, qu'on établit des règles, les choses durent plus longtemps ! » Cela dure en effet depuis 50 ans. Et vu l'énergie déployée par le fondateur et son épouse, Claude, cela risque de se prolonger au moins un jubilé de plus !
Les autres forces vives qui gèrent le groupe à leur côté ne tarissent pas d'éloges au sujet du maître des lieux : « tortionnaire », « grande sévérité », sont des mots qu'on entend parfois… mais toujours accompagnés d'un sourire et d'un clin d'œil. C'est ça l'esprit Josquin. Une grande famille dont les membres se taquinent dans la bonne humeur tout en faisant avancer la troupe dans le sérieux qui l'exige.
C'est que pour faire tourner 120 chanteurs et musiciens de cet ensemble amateur permanent (autre fait rare en France, pour ne pas dire unique), pour les concerts dans la Vienne, mais aussi parfois à l'étranger, à Paris, etc., il en faut de la poigne. « On fait la chasse aux tièdes ! Interdiction d'être absent à une répétition sans un motif valable. » Cependant, aucune rancune dans les rangs… certainement parce que les efforts sont largement récompensés par une ambiance chaleureuse. Depuis 1962, 1800 "josquinistes" ont "subi le même sort".